AUX ÉDITIONS HERMANN (septembre 2012)
Collection « Cultures numériques » dirigée par Milad Doueihi

C’est en faussaire que sur la Toile le webmaster Névo propose ses biographies corrigées, ses « vies de rechange ». Mais le maître fou gardera-t-il le contrôle de la situation ? Car emma et pommeraye publient des récits sur son propre compte, twinlight-ida l’accuse de trahison, quant à Lessen, un élève mathématicien qui refuse son avenir social, il le somme de tenir parole et de changer sa vie.
Ce roman d’apprentissage est un récit polyphonique, sur l’élaboration des identités par l’entremêlement des imaginaires en réseau. À l’heure de la conversion numérique, il intègre la plus riche tradition littéraire à la modernité de notre société réticulaire. Internet démultiplie les puissances du rêve, trouble le rapport à l’espace et au temps, amplifie l’inquiétude quant aux liens et aux promesses.
Lancés sur un rythme borgésien, les récits mis en ligne sur le site Odds s’engouffrent bientôt dans les profondeurs du psychisme, entre scénarios de rêve, fragments de souvenirs et réflexion labyrinthique. Un roman du réseau est aussi énigmatique que Mulholland Drive de David Lynch, et suscite de multiples interprétations.
Ce roman réticulaire a d’abord fait l’objet d’une expérimentation sur Mediapart. La postface de Laurent Loty invite à poursuivre le dialogue interprétatif.

Véronique Taquin est l’auteure d’un essai sur Antigone d’Anouilh et d’articles sur la littérature, le cinéma, l’économie et la politique. Après avoir travaillé avec Gilles Deleuze sur l’émotion au cinéma, elle a réalisé Bartleby ou les hommes au rebut (1993). Elle élabore une trilogie romanesque sur nos imaginaires contemporains et le rôle qu’y jouent les médias. Dans Vous pouvez mentir (Le Rouergue, 1998), la matrice est la radio. Dans Un roman du réseau, c’est Internet. Le troisième volume est en préparation.

UNE EXPÉRIMENTATION SUR MEDIAPART (2011)

En été 2011, Mediapart a proposé de participer à une expérience littéraire, éditoriale et interprétative. Sous la forme d’un roman-feuilleton hebdomadaire, Un roman du réseau a été diffusé et commenté en ligne.

Le roman-feuilleton est né de l’association entre la littérature et la grande presse des années 1830. La publication d’Un roman du réseau a renoué les liens entre enquête journalistique et enquête romanesque à l’ère du numérique. Un roman du réseau s’intéresse aux médias comme mode de relation, à leur rôle dans la construction du psychisme individuel et du corps social. Cette fiction sur la constitution collective d’un imaginaire contemporain a été publiée sur un média participatif. Ce qui permettait aux lecteurs de réagir au roman, de le commenter, de devenir des lecteurs-interprètes, des coéditeurs du texte, les auteurs d’une sorte de feuilleton éditorial.

L'histoire est celle d’individus qui s'envoient des récits de vie sur un site, les réécrivent et les réinterprètent avant de se rencontrer physiquement. L’expérience promettait des mises en abyme vertigineuses, à l'intérieur du texte, mais aussi du fait de l'invitation à l’interpréter sur Internet.

On pouvait imaginer que les commentaires seraient très variés : enquêtes interprétatives, réflexions politiques, échos aux récits de vie ou de rêves sous la forme d’éléments de fiction… Interrogations sur le personnage de Névo, sur une possible identification à Twinlight-Ida, sur la forme épistolaire, sur l’origine des archives du site qui nous parviennent, sur le surgissement du faux raccord dans le souvenir, la possibilité d’échapper à des rôles sentimentaux et professionnels parfois donnés d’avance.

L. L.